Marie-Anne Mallet : Pourriez-vous me donner une définition succincte de la « clinique » ?
Jacques. Ardoino : Je n’aime pas ce qui est trop succinct parce que c’est une forme de contrainte qui n’a pas toujours l’utilité qu’on voudrait lui trouver. Je dirais que la démarche, l’attitude et la compétence cliniques (voilà trois mots qui ne veulent pas dire la même chose) sont celles qui se définissent avant tout dans le domaine des Sciences humaines et sociales comme un terrain interhumain, intersubjectif, où praticiens et autres acteurs sont « en relation » impliquant un vécu, une intersubjectivité et s’accordent pour échanger des connaissances, du savoir, des données de l’observation, de l’action… C’est cela qui probablement me semblera le plus spécifique. Ce qui appelle ensuite une autre remarque où la place du vécu est immanente, par opposition à des normes voulues plus transcendantes. Le vécu, c’est du temporel… De l’importance du vécu, passons aux particularités. La clinique ou l’attitude clinique ou la démarche clinique est, par nature, par orientation et par construction, attentive aux particularités et aux singularités. Autrefois en médecine, il fallait quand même apprendre que si la température moyenne statistique est de 37 ° ou 37,6 ° pour la plupart des personnes, 38 ° chez un malade et 35 ° chez un autre n’ont pas exactement les mêmes conséquences. Donc, en dehors d’une fourchette statistique, il peut y avoir des variations très sensibles d’un individu à un autre que le praticien doit prendre en considération. D’une certaine manière, il ne serait pas idiot de dire que la clinique est l’anti-statistique, c’est une pondération tout à fait utile, parce qu’autrement, on devrait s’en tenir à des moyennes. Qu’une banque ou une société d’assurances s’en tienne à des moyennes, c’est normal! Elles ne peuvent pas faire autrement, c’est leur domaine de compétence. Mais pour une intelligence plus fine des cas, de leurs pronostics et de leurs diagnostics, ilfaut combiner les deux qui sont, justement, hétérogènes. Les deux ne sont pas emboîtés l’un dans l’autre. Ce ne sont pas deux compartiments de la même logique.
M.-A. M : Peut-on dire qu’ils sont complémentaires ?
J. A : Oui, parce que le mot complémentaire n’implique pas une homogénéité. Peuvent être complémentaire des éléments hétérogènes, mais ils ne découlent pas l’un de l’autre.
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Qu’est ce que cela implique, de faire de la clinique ?